La mise en place d’un référentiel d’indemnisation des préjudices corporels : bonne ou mauvaise idée ?
En marge du coronavirus, le décret n° 2020-356 du 27 mars 2020 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust » a été publié au Journal officiel du 29 mars 2020, date à laquelle il est entré en vigueur.
Ce décret s’inscrit dans la volonté du ministère de la justice de modéliser l’indemnisation des dommages corporels.
L’article 1 du décret énonce les raisons de ces mesures. Il s’agit de faire émerger un algorithme afin de :
- Mettre en place un référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels;
- Favoriser le règlement amiable des litiges en donnant accès à professionnels et victimes à l’algorithme;
- Examiner les lois et politiques en la matière;
Comment ?
Des données personnelles en matière de préjudice corporels seront recueillies.
Pour la mise en place de cet algorithme, l’article du décret énonce que le législateur s’inspirera des décisions rendues en justice administrative et judiciaire entre le 1 janvier 2017 et le 31 janvier 2019.
Le législateur entend évaluer la nature et l’ampleur des atteintes, leur impact sur les dépenses de santé de la victime, sur l’activité professionnelle ou parentale, le préjudice moral, scolaire ou encore le préjudice de formation. Cela, en se fondant sur l’état antérieur de la victime.
Cependant, une limitation quant à l’utilisation des données personnelles est prévue.
L’usage des données personnelles est ici très délicat. En effet, il est question de données relevant du domaine médical, des données sensibles protégées par le secret professionnel. Dans son délibéré n° 2020-002 du 9 janvier 2020, la CNIL estime que « les finalités [du décret Datajust] sont déterminées, explicites et légitimes » ce qui conformément au Règlement Européen de Protection des Données (RGPD) en justifie l’utilisation.
Cependant, toujours conformément au RGPD, l’utilisation doit être limitée. En ce sens, l’article 4 du décret énonce une exploitation de courte durée avec une conservation des données n’excédant pas deux années à compter de la publication du décret. De plus, l’accès au traitement de ces données est strictement encadré et limité à des personnes spécialisées.
A qui est destiné cet algorithme ?
Le décret est à destination des « victimes, assureurs, avocats, magistrats de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire, agents du ministère de la justice ».
La mise en place de cet outil soulève cependant des interrogations.
L’article premier évoque l’usage de ce référentiel aux fins de règlement amiable des litiges, ce qui semble être la raison première de cet algorithme.
Cela s’inscrit dans la volonté du législateur de déjudiciarisation. Il en découle qu’une victime de dommage corporel pourra invoquer le référentiel auprès d’une assurance sans consultation d’un professionnel du droit. Or, cela serait mettre de côté l’importance de ces professionnels ; il ne faut pas oublier que c’est par leur travail que la jurisprudence a pu reconnaître de nouveaux préjudices comme par exemple le préjudice d’agrément.
De plus, jusqu’à présent, en matière de dommage corporel, on raisonnait au cas par cas. Cette méthode permettait de saisir toute l’ampleur d’un dommage corporel sur une personne bien particulière. Instaurer un référentiel basé sur la jurisprudence de ces deux dernières années suppose que l’on raisonnera maintenant en moyenne ce qui, à terme, pourrait desservir les victimes. Cela questionne également le degré de fiabilité de l’outil.
Conformément au décret, l’algorithme devrait être opérationnel d’ici deux ans.
Dans l’attente, pour évaluer vos préjudices résultant de dommages corporels, vous pouvez nous contacter.
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